Le moratoire en cause…

Posted by Luc Fouarge on janvier - 11 - 2010

Les jeunes caractériels doivent-ils céder leur place aux cas les plus lourds (grande dépendance et polyhandicap) ?

Cette question incongrue, inconvenante est posée en raison du moratoire sur l’ouverture de nouvelles places d’accueil et d’hébergement. Des personnes porteuses de handicap, belges

, séjournent dans des services agréés, à leurs frais. Parfois dans des services détenteurs d’une Autorisation de Prise en Charge, APC. C’est dire qu’il manque de places subventionnées par l’AWIPH.

Le moratoire

fut instauré pour des raisons économiques. Manière peu élégante de contrôler la dépense publique. Choix politique. La population s’émeut bien plus si on réduit le nombre de bureau de poste. Elle est silencieuse si le politique budgétise étroitement l’accueil de personnes handicapées. Elles sont nombreuses à vivre cette injustice.

Parer à cette réalité budgétaire en maitrisant le budget de la RW en abandonnant les plus faibles d’entre nous sur le bord de la route doit nous mobiliser.

Faire de la place aux uns en écartant d’autres est un jeu de chaises musicales d’autant plus odieux qu’il se joue dans le secteur du handicap. Cette question ainsi posée devrait déclencher une marche blanche. Sous la table cette question laisse entendre que les jeunes caractériels (140) privent des personnes très affectées des aides dont elles ont urgemment besoin. Une charge émotionnelle supplémentaire dont ils n’ont pas besoin.

Il n’est donc pas question de solutionner ces drames en demandant aux uns qu’ils cèdent leurs places à d’autres. La « bouc-émissairisation » d’une catégorie de handicap est innommable. Qu’il s’agisse de  jeunes ne l’est pas moins. Que la situation handicapante de ces jeunes victimes d’un environnement familial, scolaire, … suffisamment imparfait ne permet pas de leur ajouter un handicap supplémentaire.

La catégorie 140 se « prête » volontiers à prendre cette place. D’abord parce qu’il apparait au premier contact que ces jeunes pourraient bien être des empêcheurs de tourner en rond. Leurs difficultés psychologiques se traduisent en bizarreries gênantes qui ébranlent les systèmes éducatifs et scolaires. Ils épuisent et coûtent chers. Ils récoltent les échecs et apparaissent bien vite comme « agresseur » plutôt que comme victime.

Ils ne sont pas reconnus dans leur drame personnel. Pire, parfois  cette collection semblerait bien satisfaire une demande de multiplications d’expériences douloureuses, comme s’ils jouissaient de ce statut particulier qui les met à l’abri de réalités qu’ils ne peuvent plus, ou pas affronter.

Ils découragent les professionnels les plus aguerris, les mènent vers l’épuisement, les emprisonnent dans les filets du transfert. Vraiment, ils ne sont pas sympas. Cette compétence aiguisée à se faire désigner semble leur aller comme un gant. Et donc…est-il normal de les accueillir au sein de la mère AWIPH ? A ce jour ils lui coûtent cher. Qu’ils aillent coûter ailleurs. Nous y sommes, la prime du symptôme est donnée.

Leurs difficultés s’expriment par des manifestations qui requièrent des réponses des secteurs de l’Education et de l’Enseignement, de la Santé Mentale, de la Protection de l’Enfance et de l’AAJ et au final, des Affaires Sociales en charge du Handicap.

Comme professionnel au service de ces jeunes et de leurs familles, j’acte que la mobilisation de tous ces secteurs est requise pour construire des réponses dites contenantes. Le succès, soutenir leurs réussite affective, leur intégration socioprofessionnelle… les accompagner dans la citoyenneté est tributaire de la capacité à créer de la transversalité, de la multidisciplinarité… des services et des administrations.

De toutes les catégories définies dans le décret Wallon de 95

elle est sûrement celle qui ne peut s’accommoder d’une tutelle d’un seul niveau de pouvoir. Je ne me réjouis pas que l’on accroche cette activité à la seule AWIPH. Il est nécessaire d’envisager le soin, l’éducation, l’accueil, la formation. Ces jeunes caractériels nous obligent à répondre dans une multidisciplinarité. Et c’est là que cette catégorie rit de nous, de notre incapacité à réussir nos conférences interministérielles et nos accords intergouvernementaux qui devraient faire aboutir des réponses efficaces. Il en résulte, qu’adultes, bon nombres d’entre eux continuent à coûter à la société dans des budgets de la santé et/ou de la justice. De toutes les façons ils pèseront dans les dépenses de l’Aide Sociale.

Posons la question autrement : quel financement croisé pour rencontrer les besoins des jeunes en grandes difficultés psychologiques ? Et si en y répondant, on élargissait l’offre réservée à ce jour aux personnes en situation de grande dépendance, qui s’en plaindrait ?

Il y a un manque d’Ethique et de Politique dans la construction de l’énoncé de la question. Elle contient une intention cachée. Elle titille le militantisme indispensable de toute personne qui choisit de se consacrer à la rencontre et aux soins en faveur de cette population.

La mise en œuvre ne peut qu’être systémique. Elle se construit sur l’indissociabilité des dimensions cliniques, éthiques et politiques. Si les 3 niveaux de pouvoirs refusent de se rejoindre pour co-construire des réponses soignantes ; il y a fort à parier que les « jeunes caractériels » continuent à être utiles dans leurs jobs de tique de l’art du vivre ensemble.

L’accompagnement à la parentalité est institué pour contrôler des symptômes plus que pour amener un maximum de personnes vers des instants de bonheur. La déliquescence de la fonction éducative, de l’école, l’état de la société, ne cesse d’être signalée par les jeunes qu’on voudrait voir coûter ailleurs.

Non, pas de chaise musicale. Mais une participation des niveaux de pouvoir, sans prééminence d’un niveau sur l’autre, et avec une réelle volonté de lire conjointement comment le « vivre ensemble » est mis à mal et réfléchir aux réponses qu’il convient de mettre en œuvre pour permettre à tous de participer à la vie de la communauté.

Luc Fouarge

 


Des personnes françaises séjournent dans des services belges dans des places non-subsidiées.

Le moratoire empêche de mettre en adéquation les demandes légitimes et l’offre d’accueil.

Décret fondant l’AWIPH.