États d âme en IMP 140

Posted by Luc Fouarge on mars - 1 - 2015

 Les états d’âme se mêlent à la conversation dans le travail psycho-médico-social. L’émotion prend place qu’on le veuille ou non. La relation d’aide et de soins psycho-sociaux s’exerce le plus souvent dans des services institués, en équipe. L’émotion pourrait bien devenir gênante dès lors qu’elle est s’immisce dans la réunion clinique où les rationalisations règnent et mettent ou permettent la distance entre les participants, entre eux et le client. La bonne distance se mesurerait par la maîtrise émotionnelle du participant. Si cette maîtrise fait défaut on vous dira que vous êtes trop impliqués. L’émotion serait cécité. Si on y prend garde, c’est dans cette absence à soi qu’il faut être présent à l’autre. Comme être à l’écoute en fermant les écoutilles face à ce client qui peut être préfèrerait qu’avec lui on sourde ses émotions. Dire son émotion serait donc une forme de faiblesse, de fusion avec la personne aidée, confusion donc. Il faut donc taire son émotion. C’est en tout cas ce que semble véhiculer la professionnalisation de la relation d’aide. Il serait donc question d’aider la personne en souffrance « sans peine ». L’état d’âme ne serait donc pas un signe pertinent d’une lecture clinique. Le travailleur social serait donc un a-émotionnel aux fins de ne pas contaminer la personne, ni être contaminé par elle. La culture professionnelle ménagerait-elle ainsi le travailleur social, répondrait-il ainsi à une « commande » homéostasique. Cette distance émotionnelle servirait-elle le non changement et la dépendance à l’aidant. Le « modelling » voudrait que par la palette de l’expression des émotions que l’aidant donne à voir, il « permette » à son client de ressentir , puis peut-être d’exprimer les siennes. Cette croyance ne s’est elle pas installée dans les équipes en difficultés dans l’exercice de la tiercité qu’elle doit à son équipier. Une saine tiercité circulante dans l’équipe de travail exige de ses membres de se départir de la frilosité émotionnelle qui régit les rapports humains dans les équipes de travail. Elle accède à l’intime, à la fragilité du travailleur psychosocial. Soutenir, contenir le processus de métabolisation de l’émotion du travailleur social, à l’heure ou se prescrit la bientraitance institutionnelle, ou se décline la prévention des risques psycho-sociaux des métiers du psychosocial repose prioritairement sur cette offre de l’equipe, de l’institution à son collaborateur. Il nous faut mesurer cette question à l’aune du concept de résonance. Cela s’impose à la profession comme la question du transfert. Cela va de soi, cela se déroule qu’on le veuille ou non. Et c’est bon signe pour autant que l’institution l’accepte et se donne du temps pour en faire la lecture. Cette fonction soignante de l’institution sera déterminante dans le succès du service rendu. Un temps de travail aussi nécessaire que les gestes de désinfection auquel se livre les chirurgiens avant d’entrer en salle d’opération. Il serait donc question que l’accueil réservé à l’émotion de son employé porte en soi le soin qu’elle destine à son client par phénomène de cascade. Cette rencontre du travailleur social avec son équipe est donc un temps de travail comme le temps passé par le chirurgien dans le sas de désinfection. Mais il ne suffit pas qu’il y ait réunion pour que ce processus de soin qui engage à se dire et à recevoir, qui engage à donner… il faut qu’il y ait une réelle rencontre menée par une équipe contenante ou les concepts de don et de contre-don ont cours. Un accueil qui nécessite une formation ad hoc pour la personne qui en est en charge. Une professionnalisation qui se heurte aux logiques gestionnaires qui menacent les institutions. « Plus, avec moins »… avec moins de réunions, avec moins de temps pour permettre à l’émotion d’apparaître dans l’exposé d’un cas. Le contrôle émotionnel, pente naturelle sur laquelle dérape les professions du psycho-social trouve là un allié pour justifier qu’il faut laisser l’émotion au vestiaire. Et la logique gestionnaire rencontre et soutient la résistance à laisser voir ses émotions. Les compressions budgétaires et celles du temps d’intervention ne laisse pas de place pour la métabolisation des émotions sous le regard tiers et bienveillant de l’équipe. Il faut craindre que l’institution, ambulatoire ou résidentielle, contrainte à économiser sur le personnel commence par passer la râpe dans le temps de travail que l’équipe passe à la régénération, à la formation de ses membres.