Ne remettons pas en question la nécessité de protéger des enfants de leurs parents. Ceci dit, vérifions que les droits des enfants, à travers le droit des parents, sont bien respectés.

Une fois prononcée, la décision protectionnelle d’écarter les enfants de leurs parents, l’essentiel des démarches des professionnels sont centrées sur les besoins des enfants. Que dire là contre, si ce n’est qu’il est hautement probable que l’enfant, plus encore que jamais, se centre sur ce qu’il advient de ses parents, du sort qui leur est réservé et ce d’autant plus intensément s’il se sent souvent coupable de les avoir poussés dans les mains de la Justice. C’est de cette méprise que je souhaite vous entretenir.

A ce moment de disqualification, de punition l’émotion, probablement la colère, mais aussi la tristesse perçue par l’enfant viennent renforcer le côté positif de la perception du parent par l’enfant. Il y prend la mesure de l’amour. Voilà qu’il s’exprime avec une soudaine intensité que l’enfant ne pouvait percevoir entre toutes les détresses, les déprimes, passages à l’acte qu’il observait chez ses parents, il y a peu. Ainsi s’imprime profondément le conflit de loyauté.

La peine que vit l’enfant touche le travailleur social. L’empathie, à l’état brut, oriente ses actions… et l’enfant n’y voit pas de réponse à celle qu’il développe à l’égard de ses parents.

Il pourrait bien en tirer les leçons et décider que désormais il lui appartient, seul, de réparer les douleurs parentales dont il se sent être la cause.

L’intensité des ressentiments de la famille à l’égard de la Justice dont le travailleur social est le représentant, par délégation… ces ressentiments seront très probablement traduits en confirmation qu’ils ne sont pas capables d’empathie.

Que dire aussi des répercussions des agressions, carences…vécues par l’enfant qui suscitent une révolte toute légitime chez le travailleur social.

Je me limite provisoirement à ces quelques échos, chez les uns et chez les autres pour constater que tout cela s’emmanche bien mal. Il faudra, si c’est possible de longs mois pour que les uns et les autres puissent abandonner ces premières images de rencontres ratées.

D’autant plus enfoncées dans l’ornière, si le travailleur social, à son insu, évalue tout cela dans la solitude et dans l’auto-référencement pour prendre la mesure de l’insupportable.

 

J’illustre ce propos par l’exemple de cette petite fille placée à laquelle on interdisait un retour en famille. L’équipe du lieu d’accueil mit en lumière que cette disposition fut prise par les mauvaises odeurs qui saisissaient le travailleur social à la gorge lorsqu’elle s’était, une seule fois, rendue en visite dans la famille.

Pendant ce temps-là, et depuis des mois que durait le « placement » de la petite, personne, aucun service n’avait été désigné pour accompagner la famille pour soutenir le changement sur une parentalité « jugée », un peu rapidement, par les professionnels après un signalement de l’école. Le danger encouru par la petite semblait reposer sur des critères assez subjectifs.

De tout cela la jeune avait conclu qu’il ne fallait pas surcharger le bilan d’incompétence de ses parents. D’autant que les visites au foyer de vie, le lieu de placement, amplifiaient le malaisepar l’ambiance parfumée du service, le reproche fait à la famille.

Ceci est un plaidoyer pour que l’on envisage les droits de l’enfant aussi à travers le droit des parents.

Il serait utile aussi d’accepter que l’effort demandé au travailleur social que nous avons évoqué est sans doute au-delà du possible, en tout cas dans la première phase de la mise en œuvre des décisions de justice. Et aussi, dans cette même perspective de préserver le droit de l’enfant à l’accès à ses parents, et pour ceux-ci, à l’aide, au soutien d’un professionnel « libéré » de l’empathie pour l’enfant, l’objet de sa mission étant le développement de la parentalité et de l’empathie des parents.

Quelques-unes de ces familles manifesteront une résistance énorme à entrer en coopération avec le travailleur social centré sur les dits-besoins de l’enfant. Résistance si endurcie qu’il faudrait des années pour que réussisse la rencontre.

Dans cette phase, des rencontres avec des pairs apporteront sans doute la tranquillité minimum nécessaire pour éveiller la responsabilité des parents grâce à

un accompagnement au sein d’une association de parents confrontés à des mesures de justice concernant leurs enfants. Bien des situations semblables se vivent aussi dans l’aide « acceptée ». Ce qui est d’ailleurs paradoxal.

Du côté institutionnel, vérifier qu’à toutes les étapes de l’intervention en famille, l’attention au pouvoir d’agir des parents est une préoccupation majeure. Une posture professionnelle qui, si dans un premier temps ralentit le processus, conduit plus rapidement à son succès.

Une option qui sans le dire, repose sur une attention particulière aux droits des parents et sur des travailleurs sociaux que le processus d’intervision aura « libéré » de leurs projections, leurs histoires de vie…

 

Luc Fouarge

 

 

 

 

 

 

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