En quête de sens…

Posted by Luc Fouarge on mars - 20 - 2018

En quête de sens…

Si nous définissions notre activité à partir des besoins des jeunes, permanence et sécurité viendraient surement en tête. Lien et attachement, respect ne seraient pas loin et nous parlerions très vite d’amour. Le tout enveloppé dans des attitudes soignantes.

Définissant nos services à partir de l’offre de soin, nous abandonnerions l’étiquetage « caractériel » qui est/était la condition d’obtention d’une prise en « charge ».

Notre prise en compte, soumise à des catégories, des symptômes susceptibles de prendre une décision d’octroi de l’aide spécialisée les évoquerait comme des jeunes en refus de ce dont ils ont besoin pour grandir, se construire et acquérir des compétences qui leur permettront de contribuer aux actions de la société.

Nous serions subsidiés pour leur prodiguer des soins, de l’éducation, de la formation avec la contribution des parents chez lesquels nous soutiendrions « le pouvoir d’agir ». Nos dispositifs institutionnels se développeraient à géométrie variable et s’adapteraient par la construction de protocoles susceptibles d’individualiser nos offres. Une vision qui inverserait les rôles, où les jeunes pourraient recevoir cette bonne attention sans devoir se mouler à un mode de fonctionnement qui exige d’eux qu’ils s’adaptent à notre système. Je n’évoque rien d’autre que les intentions déclarées par les auteurs des révisions des modalités de subvention.

Cependant, j’ajoute au paradigme ancien qui nous « coinçait » dans des actions essentiellement éducatives que nous avons à « équiper » nos collaborateurs pour qu’ils puissent passer de l’action éducative à la clinique éducative grâce à une authentique interdisciplinarité. Une clinique qui intégre la famille, son environnement social et culturel et développe des soins de la relation qu’ils développent de façons brutales, désorientées et même destructrices avec leurs parents, leurs environnements social et scolaire et, inversement.

Un environnement dont nous accepterions qu’il nous instruise de sa culture, de ses croyances. Une posture d’efficacité, fruit d’un travail d’équipe qui s’élargit dès que possible aux compétences que les services généraux proches des familles puissent relayer.

Parce qu’ils s’appuient sur toutes ces forces de soutien, des agents de changement locaux proches des familles plutôt que de systématiser la « séparation à but thérapeutique » nos services deviendraient des agents, des acteurs de changements sociétaux par l’externalisation de certaines de ses actions.

Refuge temporaire, remobilisation, actions sur la société susciteraient d’autres sympathies que les regards négatifs portés sur nos services qui représentent un coût important dans la politique régionale en faveur des personnes porteuses de handicap.

Nous sortirions de cette image fourre-tout qui pèse sur nos services que la société subit comme par nécessité.

Cette vision nécessite créativité, inventivité, liberté, responsabilité, éthique, engagement desquels nous sommes en droit d’espérer de la reconnaissance des partenariats que nous établirions.

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Vous avez dit « amour »

 

Ouille, où va-t-il avec cette question ?

La clinique éducative s’élaborait-elle sans cet ingrédient ?

Ne pas en parler, évacuerait la question, le problème, les craintes, les raccourcis… et on se souvient des « risques du métier » !

Ca existe, à notre insu, à notre déni, à notre méconnaissance[1] ?

Bref, que se passe-t-il si on l’évite ?

 

Nous travaillons avec des enfants, des jeunes en construction en demande. L’amour fait partie des besoins fondamentaux qui participent à la construction psychique. Et donc, probablement hors de leur conscience, ou pas, il nous en font la demande, implicite, cachée, secrète. Peut-être même en « réclamant » ce dont ils ont besoin, tout en édifiant des remparts de protection contre toute tentative que nous aurions de l’aimer. N’est-ce pas le PPCD[2] des jeunes dits « caractériels », abandonniques, souffrant de troubles de l’attachement que de renoncer à ce qu’ils ont besoin et ainsi confirmer la « décision[3] » précoce, inconsciente qui fut l’accommodement à la rencontre avec les premières personnes en charge de leurs soins. Ils confirment ainsi leurs croyances sur eux-mêmes et sur le monde.

 

La bonne distance ! L’une des premières oppositions à reconnaitre l’amour comme composant de la relation que nous établissons avec ces enfants ! (Ou ces adultes, atteints d’handicap mental, toujours en quête de reconnaissance, d’amour…)

Un professionnel ne s’attache pas ! Autre « croyance » des milieux professionnels qui se protègent. De qui, de quoi ? On sait pas. Un consensus mou, un compromis vient au secours des professionnels convaincus que l’éducateur, coupé de la pensée, est incapable de gérer les questions du transfert. Ce monstre du Lockness qui nécessiterait un diplôme universitaire, une formation académique pour échapper aux pièges qu’il contient. Mais oui, bien sur, l’éducateur, comme tout professionnel de la relation d’aide, doit être « équipé » pour recevoir la tiercité indispensable qui permet que cette relation inhérente à la profession, ne sombre dans les méandres affectifs qui le noyeraient avec l’enfant. Et c’est là, c’est bien là que se construit l’ « art de la clinique éducative ». Il ne s’agirait donc pas d’une maitrise des affects de chacun, mais du potentiel du service de faire le meilleur et l’indispensable usage de la saine « confrontation[4] » . Elle balise, elle contient, là, se construit la force thérapeutique de l’institution soucieuse d’élever ces membres de l’action éducative à la clinique éducative.

 

L’amour que nous évoquons plus haut existe, bien malgré nous. « Contenu » par la thérapie institutionnelle, il est essentiel, constitutif de la relation d’aide que viennent chercher familles et jeunes de nos services.

 

 

 

[1] Processus actif et non-conscient de non connaissance.

[2] Petit rappel de nos connaissances en mathématique.

[3] Au sens de la construction scénarique en AT

[4] Ce cadeau que fait l’équipier, l’institution pour voir de moi ce que je ne peux voir de moi.

 

Luc Fouarge